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Une ménade

 

 

 

Un désagréable sentiment d’insécurité me tira brusquement du sommeil. Un éclair illumina ma fenêtre, accompagné presque aussitôt d’un coup de tonnerre assourdissant. J’étais accoutumé aux orages du Comté, ce n’était pas cela qui m’avait réveillé. Non, une menace rôdait. Je sautais au bas du lit quand le miroir posé sur ma table de nuit se mit à briller ; un visage s’y refléta un bref instant, mais j’avais eu le temps de le reconnaître : c’était celui d’Alice.

Bien qu’elle ait été élevée pendant deux ans par une sorcière, Alice était mon amie. Après que l’Épouvanteur l’eut bannie de chez lui, elle était retournée à Pendle. Elle me manquait. Fidèle à la promesse faite à mon maître, j’avais ignoré toutes ses tentatives pour prendre contact avec moi. Cette fois, c’était différent. Ayant soufflé sur le verre du miroir, elle venait d’écrire un message dans la buée, et je ne pus éviter de le lire avant qu’il se soit effacé :

 

 

Une ménade ? Je n’avais jamais entendu parler de semblable créature. Et comment arriverait-elle jusqu’à moi, sachant qu’un puissant gobelin gardait le jardin de l’Épouvanteur ? Qu’un intrus franchisse la clôture, le gobelin le mettrait en pièces avec des rugissements qu’on entendrait à des lieues à la ronde. D’ailleurs, Alice pouvait-elle détecter un danger de là où elle était, si loin de Chipenden ? Malgré tout, mieux valait tenir compte de son avertissement. Mon maître, John Gregory, était parti s’occuper d’un fantôme récalcitrant ; j’étais seul à la maison. J’avais laissé mon sac et mon bâton en bas, à la cuisine. Si j’avais besoin de me défendre, il fallait que j’aille les chercher.

Je m’encourageai à mi-voix :

— Ne t’affole pas ! Prends ton temps et garde ton calme.

Je m’habillai, enfilai mes bottes. Au moment où j’ouvrais la porte de ma chambre, un nouveau coup de tonnerre éclata. Quand le silence revint, je m’engageai sur le palier obscur en tendant l’oreille. Aucun bruit. Personne n’était entré dans la maison. Un peu rassuré, je descendis l’escalier sur la pointe des pieds, traversai le hall d’entrée et pénétrai dans la cuisine, aussi discret qu’un chat.

Je glissai ma chaîne d’argent dans la poche de mon pantalon. Puis, empoignant mon bâton, je sortis par la porte de derrière. Où était le gobelin ? Pourquoi ne défendait-il pas son territoire contre cette visiteuse indésirable ? La pluie me martelait le visage. Tous les sens en éveil, j’examinai la pelouse et la lisière des arbres sans détecter de mouvement insolite. La nuit était très noire, je ne distinguais pas grand-chose, malgré le don que j’avais de voir dans l’obscurité. Je m’aventurai prudemment dans le jardin ouest en direction du petit bois.

Je n’avais pas fait dix pas qu’un hurlement à glacer le sang s’éleva sur ma gauche, suivi d’un martèlement rapide : quelqu’un courait droit vers moi. Je levai mon bâton en appuyant sur le mécanisme qui libérait la lame rétractable. Elle jaillit avec un petit clic.

La lueur d’un éclair me révéla mon ennemie : une grande femme maigre vêtue d’une longue robe trempée par la pluie, les cheveux noués derrière la nuque, une grimace haineuse sur le visage. Des bandes de cuir enroulées autour de ses pieds lui tenaient lieu de chaussures. De la main gauche, elle brandissait un grand couteau.

« Voilà donc à quoi ressemble une ménade », me dis-je.

Je me mis en position de défense, le bâton incliné en diagonale comme mon maître me l’avait enseigné. M’efforçant de contenir les battements de mon cœur, je me tins prêt à frapper à la première occasion.

La lame acérée du couteau décrivit un brusque arc de cercle et rata de peu mon épaule droite. Je bondis en arrière pour maintenir une distance suffisante entre mon adversaire et moi. J’avais besoin de place pour faire usage de mon arme. L’herbe mouillée était glissante. Au moment où la ménade se jetait sur moi, je dérapai et perdis l’équilibre. Je faillis basculer en arrière, me rétablis de justesse et posai un genou à terre. De la hampe de mon bâton, je bloquai juste à temps un coup qui aurait pu m’être fatal, avant de contre-attaquer. Je frappai violemment la ménade au poignet ; le couteau lui échappa. Désarmée, les traits déformés par la rage, elle bondit, glapissant comme une furie. Dans les sons gutturaux qui jaillissaient de sa gorge, je crus reconnaître des mots de grec. Esquissant un pas de côté pour éviter ses longs ongles pointus, j’abattis mon bâton de toutes mes forces. Je l’atteignis à la tempe. Elle tomba à genoux ; je n’avais plus qu’à lui transpercer la poitrine de ma lame.

Au lieu de ça, je fis passer le bâton dans ma main droite, tirai de ma poche la chaîne d’argent et l’enroulai d’un geste vif autour de mon poignet gauche. Une chaîne d’argent est censée tenir en respect n’importe quelle créature de l’obscur. Immobiliserait-elle une ménade en pleine folie meurtrière ? Je l’ignorais.

Je me concentrai. À l’instant où elle se relevait, la lumière d’un éclair l’illumina tout entière. Je n’en espérais pas autant ! Ma cible bien visible, je lançai la chaîne. Elle siffla dans les airs en décrivant une spirale parfaite et s’enroula autour du corps de la ménade, qui retomba lourdement au sol.

Je tournai autour d’elle, anxieux. Ses bras et ses jambes étaient immobilisés, ainsi que sa mâchoire, mais elle pouvait encore parler ; elle déversait un torrent d’injures dans un étrange dialecte dont je ne saisissais pas le sens.

Quoi qu’il en soit, la chaîne avait rempli son office. Je saisis ma prisonnière par un pied et la traînai sur l’herbe mouillée. L’Épouvanteur souhaiterait certainement l’interroger. Mais arriverait-il à comprendre sa langue bizarre ?

Sur le côté de la maison, un auvent protégeait notre provision de bois. J’y tirai ma captive, à l’abri de la pluie. Puis j’allumai une lanterne pour mieux l’examiner. Elle me cracha dessus, et sa puanteur – mélange de sueur aigre et de vinasse – m’agressa les narines. J’y détectai aussi des relents de viande avariée. Quand elle ouvrit la bouche, je vis des restes de chair entre ses dents. Sa langue et ses lèvres teintées de pourpre révélaient qu’elle avait bu du vin. Son visage était orné de motifs compliqués, sans doute dessinés avec de la terre rouge. Pourtant, la pluie ne les avait pas effacés.

Elle me lança un nouveau jet de salive, qui m’obligea à reculer.

Il y avait un tabouret dans un coin. Je suspendis la lanterne à un crochet et m’assis hors de portée de crachat. L’aube ne se lèverait pas avant une heure ; fatigué, je décidai de m’accorder un peu de sommeil. Je m’appuyai donc contre le mur ; les yeux fermés, je me laissai bercer par la musique de la pluie qui tambourinait sur l’auvent. La chaîne d’argent liait la ménade trop étroitement pour qu’elle puisse espérer se libérer.

J’avais à peine dormi quelques minutes qu’un bruit terrible me réveilla, un mélange de rugissements et de halètements approchant à toute allure. Je compris aussitôt : le gobelin fonçait à l’attaque !

Je n’eus que le temps de bondir sur mes pieds. La lanterne valdingua et s’éteignit. Je reçus dans le dos une poussée brutale, qui chassa tout l’air contenu dans mes poumons. Pendant que je reprenais mon souffle, j’entendis un fracas de bûches jetées contre le mur, suivi d’un cri aigu, un cri effroyable dont les échos se perdaient indéfiniment dans l’obscurité. Puis le silence revint, seulement troublé par le tapotement de la pluie sur les tuiles. Le gobelin, ayant accompli sa tâche, était parti.

Je n’osais pas rallumer la lanterne, par crainte de ce que j’allais découvrir. Je finis par m’y résoudre.

La ménade était morte, la gorge et les épaules déchiquetées. Le gobelin l’avait vidée de son sang. Je fixai le cadavre, sa robe en lambeaux, l’expression de terreur sur sa face blafarde. Il n’y avait plus rien à faire. Ce qui venait de se passer était sans précédent. La créature étant ma captive, le gobelin n’aurait pas dû y toucher. Et où était-il passé quand elle avait surgi, alors qu’il était censé défendre le jardin ?

Encore sous le choc, j’abandonnai le corps où il était et rentrai à la maison. J’avais grande envie d’utiliser le miroir pour communiquer avec Alice. Je lui devais la vie et désirais la remercier. Je faillis céder à la tentation, mais j’avais donné ma parole à l’Épouvanteur. Aussi, après avoir bataillé un moment avec ma conscience, j’allai me laver, changeai de vêtements. Puis j’attendis le retour de mon maître.

 

Il arriva juste avant midi. Je lui racontai ma nuit mouvementée, et nous sortîmes ensemble pour examiner la morte.

John Gregory se gratta la barbe :

— Eh bien, petit, voilà qui pose de sérieuses questions, non ?

Il paraissait préoccupé, et il y avait de quoi. Moi, cette affaire me rendait malade.

— J’ai toujours cru ma maison de Chipenden parfaitement protégée, continua-t-il. Ce qui s’est passé cette nuit ébranle mes belles certitudes. Je dormirai moins tranquille, désormais. Comment cette ménade a-t-elle pu s’introduire dans le jardin sans être repérée par le gobelin ? Rien de tel ne s’était encore jamais produit.

Je hochai la tête en silence.

Levant un sourcil interrogateur, il reprit :

— Un autre point me tracasse. Avec le grondement de l’orage et le bruit de la pluie, tu n’as pas pu entendre la tueuse approcher. Il lui aurait été facile de pénétrer dans la maison et de t’égorger dans ton lit. Qu’est-ce qui t’a alerté ?

Brûlé par son regard inquisiteur, je fixais obstinément mes chaussures. Enfin, après m’être éclairci la gorge, je lui fis un récit exact des événements.

Soucieux de me justifier, je précisai :

— Je vous avais promis de ne jamais utiliser le miroir pour communiquer avec Alice, et j’avais toujours tenu parole. Mais, cette nuit, les choses se sont passées trop vite.

Non sans irritation, je conclus :

— Heureusement que j’ai lu son message à temps, sinon, je serais mort.

L’Épouvanteur affichait le plus grand calme.

— Cet avertissement t’a sauvé la vie, c’est vrai, admit-il. Mais tu connais ma position : utiliser un miroir, parler avec cette jeune sorcière…

Voyant que je me hérissais, il changea de sujet :

— Sais-tu ce qu’est une ménade, petit ?

— Je sais seulement que, quand elle m’a attaqué, elle semblait à moitié démente.

Mon maître approuva de la tête :

— Les ménades ne s’aventurent presque jamais en dehors de leur pays d’origine, la Grèce. Elles vivent en petits groupes dans des lieux sauvages. Elles vénèrent une déesse assoiffée de sang appelée l’Ordinn. Elles tirent leur pouvoir d’un mélange de vin et de chair crue qui les fait entrer dans une transe meurtrière jusqu’à ce qu’elles trouvent une victime. Elles se nourrissent le plus souvent de cadavres, sans dédaigner pour autant les proies vivantes. Celle-ci s’était peint le visage pour se donner un aspect plus féroce, sans doute avec un mélange de lie de vin et de graisse humaine. Elle a tué quelqu’un récemment, c’est sûr. Tu as fait du bon travail en la liant avec ta chaîne d’argent, petit. Les ménades sont douées d’une force hors du commun, capables de déchirer une proie à mains nues. Au fil des générations, elles ont régressé à un stade quasi animal, tout en restant extrêmement rusées.

— Mais pourquoi a-t-elle traversé la mer et fait un tel voyage jusqu’au Comté ?

— Elle est venue te tuer, mon garçon, c’est évident. Ce que je ne saisis pas, c’est en quoi tu représentes une menace pour sa tribu, en Grèce. Quoique… Ta mère combat l’obscur là-bas. Ceci explique peut-être cela.

John Gregory m’aida à récupérer ma chaîne. Puis nous transportâmes le corps dans le jardin est. Nous creusâmes un puits profond. Comme à l’accoutumée, j’exécutai l’essentiel du travail. Craignant que, par une nuit de pleine lune, la ménade même morte, tente de regagner la surface, nous l’enterrâmes la tête en bas. Ainsi, sans s’en rendre compte, elle creuserait dans la mauvaise direction. Ce n’était pas une sorcière, mais mon maître ne prenait jamais aucun risque avec les créatures de l’obscur, surtout celles dont il ne savait pas grand-chose.

Cette tâche achevée, l’Épouvanteur m’envoya au village avec ordre de ramener le maçon et le forgeron. En fin de soirée, ils avaient scellé des pierres et des barres de fer pour fermer la fosse.

Mon maître finit par résoudre les autres mystères : il trouva à la lisière du jardin deux auges de bois tachées de rouge sombre. Elles avaient été remplies de sang, et le gobelin s’était abreuvé jusqu’à plus soif.

— Je suppose qu’une potion quelconque était mêlée au breuvage, pour endormir le gobelin ou lui embrouiller l’esprit, m’expliqua l’Épouvanteur. C’est pourquoi il n’a pas détecté l’intrusion de la ménade ; puis il l’a tuée alors qu’il n’aurait pas dû. C’est grand dommage qu’elle soit morte. On aurait pu l’interroger, apprendre pourquoi elle est venue et qui l’a envoyée.

— Le Malin y serait-il pour quelque chose ? demandai-je. Aurait-il pu la charger de me tuer ?

Le Démon était en liberté dans notre monde depuis le mois d’août. Les trois clans de sorcières de Pendle – les Malkin, les Deane et les Mouldheel – s’étaient unis pour l’invoquer. Après quoi, les clans avaient repris leur guerre les uns contre les autres, certaines sorcières s’étant alliées au Malin, d’autres se montrant ses plus farouches ennemies. Je l’avais affronté à trois reprises. Mais, bien que ces rencontres m’aient laissé à chaque fois aussi tremblant qu’un chaton mouillé, je savais que le Malin ne m’exécuterait pas de ses propres mains, parce qu’il était entravé.

De même qu’on attache les pattes d’un cheval pour qu’il ne s’éloigne pas, le Malin avait été entravé dans le passé, ce qui limitait son pouvoir. S’il décidait de me tuer lui-même, il ne régnerait sur Terre que pendant cent ans, autant dire rien au regard de l’éternité ! Il n’avait donc que deux possibilités : envoyer un de ses enfants faire le travail ou m’attirer de son côté. S’il réussissait à m’entraîner vers l’obscur, il dominerait le monde jusqu’à la fin des temps. Il avait tenté de me séduire, lors de notre dernière entrevue. Cependant, si une autre main m’assassinait – celle de la ménade, par exemple –, le Malin prendrait peu à peu possession de la Terre.

L’Épouvanteur semblait pensif :

— Le Malin ? Ce n’est pas impossible, petit. Nous devons nous tenir sur nos gardes. Cette fois, nous avons eu de la chance.

Je faillis objecter que la chance n’y était pas pour grand-chose. Sans l’intervention d’Alice… Je m’en abstins, toutefois. Les dernières heures avaient été assez rudes comme ça, inutile d’irriter mon maître.

La nuit suivante, je n’arrivais pas à trouver le sommeil Au bout d’un moment, je me levai, allumai une bougie et relus la lettre de maman, que j’avais reçue au printemps.

 

Cher Tom,

Le long et dur combat contre l’obscur dans mon propre pays redouble d’intensité, et nous avons beaucoup à discuter, tous les deux ; j’ai plusieurs révélations à te faire, ainsi qu’une requête à t’adresser. J’attends quelque chose de toi, en plus de ton aide. S’il y avait un moyen de l’éviter, je ne te le demanderais pas. Mais il y a des paroles qui doivent se dire face à face, pas dans une lettre.

J’ai l’intention de revenir à la maison pour un court séjour au moment du solstice d’été.

J’ai écrit à Jack pour l’informer de mon arrivée, j’espère donc te voir à la ferme à cette date. Travaille avec acharnement, mon fils, et garde espoir, même si l’avenir te paraît bien sombre. Tes forces sont plus grandes que tu ne le penses.

Je t’embrasse,

Ta maman

 

Dans moins d’une semaine, ce serait le solstice d’été. John Gregory et moi prendrions la route du Sud pour nous rendre à la ferme de mon frère Jack et y retrouver maman. Elle m’avait beaucoup manqué, j’étais impatient de la revoir. Mais j’attendais avec anxiété les révélations qu’elle avait à me faire.

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